Construire un indicateur de la performance sociale et climatique de chaque modèle
- Benjamin Grundeler

- 16 nov. 2021
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 3 déc. 2021
Achats de flottes automobiles

L'impact de la voiture sur le réchauffement climatique n'est plus à démontrer. Celui sur la qualité de l'air, en revanche, est moins connu. Il coûte pourtant à la collectivité 100 milliards d'euros par an en France¹, où la pollution atmosphérique est responsable de nombreuses maladies. Les entreprises qui tiennent à respecter leur responsabilité sociale et environnementale pourront donc intégrer ces impacts dans le choix des modèles proposés à leurs collaborateurs et réduire ainsi l'empreinte de leur flotte. Cet article fait suite à une publication de GCA relative au calcul des émissions de polluants en analyse cycle de vie des véhicules. Il décrit une méthodologie qui permet aux acheteurs d'intégrer, dans leurs décisions, la performance sociale et environnementale de chaque modèle grâce au calcul d'un indicateur financier unique.
Les coûts externes sociaux et environnementaux
Les coûts externes des voitures correspondent à la différence entre les coûts sociaux (les coûts supportés par la société du fait de l'utilisation des véhicules) et les coûts privés, à savoir les coûts directement supportés par les utilisateurs. Ces coûts externes ne sont pas supportés par l’acheteur et ils ne sont donc pas pris en compte habituellement. Par exemple, le choix d’un moteur thermique, émetteur de NOx, cause des dommages à la santé humaine, ce qui induit un coût externe. En effet, le coût de ces dommages n’est pas supporté par l’utilisateur du véhicule, mais en général par la société.
La connaissance des coûts externes permet donc aux acheteurs de flottes automobiles d’entreprise de prendre en compte les externalités sociales et climatiques dans leur décision de mobilité afin d'en limiter les impacts.
Coûts externes sur la qualité de l’air par approche du coût des dommages
Les principaux polluants des voitures affectant la qualité de l’air sont les particules fines (PM), les oxydes d'azote (NOx), les composés organiques volatils (COV), l'ozone (O3) et les oxydes de soufre (SOx).
L’approche par le coût des dommages est utilisée pour ce type de pollution. Elle valorise tous les dommages subis par les individus du fait de l'existence d'une externalité.
La méthode des coûts des dommages est développée à quatre niveaux :

Cette méthode permet d'additionner les impacts de différents polluants et de construire ainsi un « score » unique qui simplifie la comparaison des modèles. De plus, l'argent est probablement une unité de mesure et de comparaison plus intuitive pour une entreprise que, par exemple, la tonne d'équivalent CO2.
Ce tableau présente donc, par exemple, les valeurs proposées par la Commission européenne² du coût externe du transport (hors maritime) sur la qualité de l’air en France et Europe. Il intègre les effets sur la santé, les dommages aux bâtiments, la perte de récoltes et la perte de biodiversité.

Coût externe du changement climatique par l’approche du coût d'évitement
Les principaux polluants des voitures affectant le climat sont le dioxyde de carbone (CO2), le méthane (CH4) et le protoxyde d'azote (N2O). Les coûts du changement climatique lié à ces émissions sont définis comme les coûts associés à tous les effets du réchauffement atmosphérique, tels que l'élévation du niveau de la mer, la perte de la biodiversité, les problèmes de gestion de l'eau, les phénomènes météorologiques extrêmes, les mauvaises récoltes, etc...
Cependant, le calcul du coût de ces dommages a ses limites, car les effets potentiellement catastrophiques ne peuvent pas être bien intégrés² (par exemple la fonte des calottes polaires du Groenland et de l'Antarctique occidental ou les changements dans les sous-systèmes climatiques comme l'oscillation australe El Niño). Pour cette raison, l’approche par le coût des dommages n’est pas retenue.
D'où l'approche par la notion du coût d'évitement, qui est elle plus appropriée dès lors que les dommages causés par l'externalité sont difficiles à mesurer. Cette méthode évalue le coût d'évitement des effets du changement climatique en se basant sur l'option la moins coûteuse pour atteindre un niveau requis de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
A ce sujet, 194 pays ont signé en 2016 l'Accord de Paris sur le climat et se sont engagés à limiter l'augmentation des températures en dessous de 2 degrés. Il est donc particulièrement approprié d'utiliser l'objectif convenu dans cet accord comme niveau requis de réduction pour l'approche par les coûts d'évitements.
Ainsi, toute quantité de CO2 émise au-delà de ce niveau devra être compensée par une réduction des émissions équivalente ailleurs. Il ne s'agit pas de dommages supplémentaires dus au réchauffement climatique, mais d'évitements supplémentaires dans d'autres secteurs.
Les coûts d'évitement retenus ici sont basés sur une analyse de la littérature récente qui a révélé une valeur centrale pour les coûts à court et moyen terme de 100 €/tonne équivalent CO2 (€ 2016)².

Il est également intéressant de constater que ce coût est amené à augmenter avec le temps, au fur et à mesure de l’épuisement des solutions les plus économiques de compensation carbone.
Application des coûts externes sociaux et environnementaux :
Estimation sur un exemple parc automobile de 100 véhicules : 76 k€ par an
Dans l'exemple proposé ci-dessous, nous sommes en mesure d'estimer l'impact social et climatique d'un parc de 100 véhicules en appliquant les coûts externes aux estimations des émissions de polluants d'un parc de véhicules.
Le graphique ci-après fait apparaitre la pondération de chaque source d’émission.

Ventilation des coûts externes d’un parc de 100 véhicules. Caractéristiques du parc : kilométrage annuel moyen : 28 000 km. Motorisations : diesel 53 %, essence 21 %, électrique 14 %, hybride rechargeable 12 %. Usage : ville 30 %, route 30 %, autoroute 40 %.
Estimation sur des modèles de véhicules proposés à la vente actuellement :
Par la même méthode, nous sommes également en mesure de produire un indicateur financier unique de la performance sociale et climatique d'un modèle de voiture.
L'analyse ci-dessous donne un exemple de comparaison de cette performance sur plusieurs segments de véhicules (compact et SUV) et différentes motorisations (essence, diesel…).

Coûts externes sociaux et environnementaux mensuels et par 100 km de l'utilisation d'un véhicule. Kilométrage annuel moyen de 30 000 kilomètres. Usage : ville 30 %, route 30 %, autoroute 40 %.
Cet indicateur doit permettre de compléter l'indicateur du TCO (coût total d’utilisation pour l'entreprise) afin d'établir enfin une sélection de véhicules responsable à proposer aux collaborateurs de l'entreprise.
Benjamin Grundeler



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